vendredi 20 juin 2008

aide française à l'Afghanistan : du discours à la réalité

L'on se souvient des récents propos du Président de la République, en direction des dirigeants des pays de l'OTAN, en direction aussi des Français, pour expliquer que l'effort militaire de la France en Afghanistan, qui allait s'accroître, devait être vu comme l'un des éléments de l'effort global visant à la reconstruction du pays. C'est ce qui lui permettait de dire le 24 avril dernier à la télévision :"nous sommes aux côtés des Afghans" et à trois reprises "ce n'est pas la guerre".

Quoi que l'on pense du reste, l'on s'était donc réjoui d'entendre notre président annoncer à la dernière réunion des donateurs à Paris, le 12 juin, un doublement de l'aide française. A y regarder de plus près, le geste semble néanmoins plus que modeste. Depuis 2002, l'aide totale française à l'Afghanistan s'élèverait à 113 millions. A la Conférence de Paris, nous venons d'annoncer un engagement de 107 millions d'euros pour la période 2008-2010, soit 36 millions d'euros par an.

C'est quand même très peu : 107 millions sur trois ans, c'est 0,5% de l'aide promise le 12 juin par la communauté internationale sur la période. Si l'on est sceptique sur la réalité de ces promesses, prenons pour exemple le Canada qui a déjà dépensé fin 2007 plus de 600 millions de dollars en Afghanistan, et compte en 2011 avoir doublé ce chiffre. Notre effort est faible aussi à l'égard du coût de notre engagement militaire, que notre ministre de la défense évalue à 139 millions d'euros pour 2008, hors financement des prochains renforts. Ces 36 millions d'euros d'aide que nous serions prêts à dépenser par an sont enfin sans doute bien moins que ce que l'armée américaine dépense en un seul jour pour sa guerre en Afghanistan.

Certes, pourrait-on dire, la France contribue à l'aide de l'Union européenne, qui a déboursé un milliard d'euros sur la période 2002-2006, et qui compte en dépenser 640 de plus entre 2007 et 2010. Or nous finançons environ 17% de ces montants. Mais l'Allemagne, également gros contributeur, à près de 19%, et la Grande-Bretagne dans une moindre mesure, autour de 10%, parviennent à faire un effort d'aide bilatérale beaucoup plus significatif que nous en Afghanistan : l'Allemagne a promis de verser 420 millions d'euros entre 2008 et 2010, soit quatre fois plus que nous, et la Grande-Bretagne 1,2 milliard de dollars sur cinq ans, soit en moyennne annuelle cinq fois plus que nous.

Comment, dans ces conditions, prendre au sérieux le propos de notre Président au Sommet de l'OTAN du 3 avril dernier : "L’enjeu essentiel pour nous, c’est la reconstruction"? L'on a le droit d'être économe. L'on a le droit de penser qu'une part importante de l'aide déversée sur l'Afghanistan n'atteint jamais ses destinataires. Mais qu'on nous épargne alors ces doctes conseils sur les moyens de faire accéder les Afghans, et les Afghanes, aux bienfaits de la civilisation.

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