lundi 6 août 2007

A propos d'un article de Jacques Julliard

Je m'étais promis de ne pas aborder de sujets trop sérieux en ce creux des vacances, mais je souhaite appeler sans tarder l'attention sur l'article de Jacques Julliard dans le Nouvel Observateur de cette semaine (numéro du 2 août, pages 22 à 24): "Socialistes, croyez-vous encore à vos mythes?"

Que dit-il en substance? La France s'oriente inexorablement vers le bi-partisme. L'unité de la droite vient d'être réalisée par Nicolas Sarkozy, notamment par la récupération de l'électorat lepéniste. le Parti Socialiste, malgré sa défaite, est en situation de réaliser cette même unité à gauche. Malgré toutes ses erreurs, ses électeurs ne l'ont pas lâché. C'est le seul parti de gauche à ne s'être pas effondré, et même à avoir augmenté le nombre de ses députés.

Mais pour y parvenir, ses dirigeants doivent absolument modifier leur comportement (seule Ségolène, malgré ses gros défauts, "parlait vrai"), et bien entendu, modifier leur discours. Je cite Julliard : "quand l'Etat-providence est en crise, on ne peut se contenter de crier "vive l'Etat-providence"! Il faut repenser l'ensemble de la philosophie du socialisme, inventer un socialisme de marché pour faire face à la paupérisation d'une partie de la population, au défi de la mondialisation et à l'ardente obligation d'une économie du savoir".

En somme, selon Julliard, et je suis prêt à le croire, le Parti Socialiste se trouve à l'aube d'une refondation qu'il lui faut absolument réussir.

Comment? c'est là que je me permets d'introduire mes idées, qui sont aussi les idées de bien d'autres. En effet, comme vous allez le voir, elles vont puiser loin, aux deux sources du socialisme français: Blum et Jaurès.

Le Parti Socialiste doit retrouver sa vocation à être le fédérateur de toutes les familles de la Gauche, excepté quelques extrêmes irrécupérables. Pas facile, car elles sont de sensibilités contradictoires.

Léon Blum, dès le congrès de Tours, en 1921, ne disait rien d'autre en rappelant, avec les mots de son temps, que le Parti socialiste, "Parti de la classe ouvrière", avait le devoir de représenter toute la classe ouvrière, avec ses contradictions, et tous ses intérêts divers.

Or notre électorat naturel, l'équivalent de la "classe ouvrière" du XIXème et de la première partie du XXème siècle, c'est le monde des salariés, du public et du privé, et aussi celui des petits et moyens entrepreneurs dont le sort n'est souvent pas plus enviable que celui des salariés. C'est le monde qui tire l'essentiel de ses revenus de sa force de travail et d'intelligence, parfois de la combinaison d'un peu de capital et de beaucoup de travail et d'intelligence, mais jamais de l'inverse.

C'est cet électorat que nous devons convaincre de sa profonde solidarité, malgré des intérêts immédiats parfois contradictoires, face à la concentration accélérée des toutes les formes de pouvoir par les forces de l'argent, face à leur intrusion croissante dans le contrôle des Etats, et dans le contrôle des esprits, par la conquête des médias et de la presse, par la conquête des réseaux de communication planétaires. Je vous renvoie ici à mon article du 26 juillet.

En second lieu le Parti socialiste doit être capable de réconcilier les aspirations réformatrices et les aspirations révolutionnaires qui l'ont parcouru tout au long de son histoire. Car ce n'est pas en reniant le passé qu'on peut progresser vers l'avenir.

Ici c'est Jaurès, qui, dès 1908, au congrès de Toulouse, nous apporte les éléments de la réponse dans un lumineux discours qui, en ses fondements, n'a pas pris une ride. Nous sommes à l'époque d'un tout nouveau et encore fragile parti socialiste unifié, la SFIO. voici la phrase-clé de ce discours:

"Nous disons que dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et que l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."

Voilà ce qui à l'heure d'un nouveau départ doit nous inspirer pour inventer de nouvelles façons d'être et d'agir. Oserai-je dire qu'il n'est pas non plus interdit d'aller puiser à une autre source du socialisme, la pensée de Marx, pas sa pensée ossifiée dans le marxisme-léninisme et le stalinisme, mais la pensée du Marx qui disait déjà "je ne suis pas marxiste", du Marx qui réfléchissait aux formes d'une "évolution révolutionnaire"?

Je m'arrête là pour le moment, mais il va de soi que nous reviendrons sur ces sujets. En attendant, que ceux qui souhaitent se procurer le texte intégral du discours de Jaurès m'adressent un message à l'adresse suivante: nicoullaud@aol.com. Je me ferai un plaisir de le leur adresser en format pdf.

Aucun commentaire: